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PRIX DU CIVISME ET DE LA MEMOIRE

Publié le mardi 11 avril 2023 10:27 - Mis à jour le mardi 11 avril 2023 10:27
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Selena Mailles, ancienne élève du collège G. Brassens, actuellement élève du Lycée Lacroix, a reçu mardi 4 avril le deuxième Prix du Concours de la Mémoire et du Civisme organisé par la Fédération Maginot.

N’ayant pu se rendre à Paris pour la cérémonie officielle, ses parrains ont souhaité lui remettre son prix en mains propres. La remise du prix a eu lieu au collège : un diplôme lui a été remis, plusieurs livres lui ont été offerts ainsi qu’un chèque de 400 euros, une carte cadeau de 150 euros. L’établissement a lui aussi été destinataire d’un chèque de 150 euros.

Selena, après notre Voyage-Mémoire à Oradour sur Glane, avait écrit le texte qui suit, qui, tout en évoquant le massacre d’Oradour, souligne l’anxiété de toute une génération face à la guerre en Ukraine, si proche de nous.

Vous trouverez également , en suivant ce lien, des informations sur la Fédération Maginot : www.federation-maginot.com/historique-de-fnam/

Bizanet, le 15 mai 2022

Le 24 février 2022, les Russes sont entrés en Ukraine par le sud du pays et depuis ils font tout pour que l’Ukraine ne se rapproche pas de l’Europe. Les Ukrainiens, notamment les femmes et les enfants, fuient leur terre, tentent de trouver refuge dans les pays voisins, les hommes restant pour combattre et protéger leur pays. Des familles se réfugient dans des caves et des sous-sols et vivent serrés les uns avec les autres, guettant le moindre bruit d’explosion et se souciant à chaque minute de leur survie. Leur vie s’est arrêtée, leur logement a été détruit. Plus d’école, plus de loisirs, le risque de mourir à chaque instant et les visions cauchemardesques des cadavres calcinés dans les rues de Marioupol. C’est un déluge de feu qui a ravagé leurs vies.

Moi, ici, en France, j’ai peur de mourir, peur de perdre mes proches, peur de voir mon univers détruit. Je repense à notre professeur d’Histoire qui nous a parlé de la violence des guerres, des génocides, des camps de concentration et d’extermination, du massacre d’Oradour Sur Glane par la division « Das Reich » et ses Waffen SS. Ce massacre là, le 10 juin 1944, est profondément ancré dans ma mémoire d’autant que je me suis rendue sur les lieux mêmes du village martyr avec ma classe.

Connaissez-vous l’histoire d’Oradour ?

Le 10 juin 1944, c’est un samedi, il fait beau et il y a beaucoup de monde à Oradour. C’est jour de vaccination à l’école et jour de distribution de tabac. Entre juin 1941 et fin 1943, la division Das Reich conduit une guerre d’anéantissement. C’est une guerre ultime où tout est organisé et poussé à l’extrême. Une balle et une seule doit tuer. En URSS, la division laisse des forêts de pendus, 620 villages sont rasés et brûlés, c’est la Shoah par balles. A Tulle, même méthode : 99 corps sont pendus. C’est l’horreur absolue des meurtres de masse.

Installée à bordeaux, évoluant vers Montauban, position centrale pour démanteler et anéantir les noyaux de Résistance, la division applique une règle implacable : un soldat nazi tué, trois terroristes tués ! La division remonte et le commandement s’installe à Limoges le 8 juin. Après Tulle, ils envisagent une autre opération d’envergure. Oradour est sur leur chemin. C’est un village riche qui peut être pillé, il peut aussi être encerclé et est à l’écart des poches de résistance.

A 14h, le 10 juin, Oradour est bouclé, Oradour est ceinturé. Les chars encerclent le village. Le tramway et ses passagers sont refoulés. Les soldats SS pénètrent dans Oradour. Un ordre de rassemblement est donné à la population. Il a lieu sur la place du champ de Foire, au centre du bourg. Plus de 600 hommes, femmes et enfants attendent… Les SS constituent deux files : à droite les femmes et les enfants qui sont conduits vers l’église. Ils avancent en colonne, des femmes s’évanouissent aussitôt relevées par d’autres. Ils sont 400 dans la nef. Des grenades asphyxiantes y sont envoyées. Fumée âcre et irritante, bousculades, cris et hurlements, agonies. Il y aura une survivante qui s’est cachée. La file de gauche, ce sont les hommes. Ils sont 150. Les SS les entassent dans différents hangars, dans la forge. Il y a deux mitrailleuses à l’entrée. C’est l’exécution, les blessés sont achevés, du bois est déposé sur les cadavres, on y met le feu. Il y aura cinq survivants.

Le lendemain, il s’agit d’effacer les traces du massacre, les SS creusent deux fosses et c’est le départ de la division.

Le village est fermé. Sa population n’était ni juive, ni résistante, ni communiste. Ce massacre a été perpétré pour marquer les esprits. C’est toujours la même méthode pour marquer les esprits : choix d’un lieu, encerclement, rassemblement, tri, massacre, feu, effacement…

En avançant dans le village martyr, j’avais en tête tout cela. Les ruines étaient les signes du massacre et de la mort d’innocents mais elles étaient aussi les signes d’une vie bouillonnante et innocente du village. Les plaques commémorant les endroits où les hommes ont été massacrés côtoient les plaques rappelant qu’à tel et tel endroit, il y avait un coiffeur, un boucher, un cafetier, un forgeron… Dans l’église dévastée, une cloche fondue, une armature de poussette brûlée, les impacts des balles dans l’autel… L’horreur !

 

Bizanet, le 15 juin.

Et si…

Et si le Président de la République Française annonçait dans une allocution télévisée que les Russes sont entrés en France. Ils ne supportent pas que la France et les pays européens aident l’Ukraine. Ils arrivent sur notre terre avec leurs tanks, chars et canons, et dans l’air, des avions sillonnent le ciel avec une vitesse étourdissante.

Et si l’Histoire se répétait ?

Ce qui m’effraie aujourd’hui, ce qui m’inquiète, ce qui me questionne, c’est d’imaginer que l’on pourrait vivre la même Histoire et être acteurs d’une troisième guerre mondiale.

Et si mon village se faisait bombarder ? Et si les hommes devenaient fous ? Et si je me retrouvais seule, séparée de ma famille ? Et si je la voyais mourir devant moi ? Et si on m’obligeait à combattre ? Et si on me déplaçait ? Et si on me déportait sur une terre inconnue ? Et si c’était moi, et pas un autre qu’on repoussait en raison de mes opinions ou de ma religion ? Et si je ne pouvais plus sortir librement ? Et si je devenais un exilé ? Et si on ne se remettait jamais de ces horreurs ? Et si je ne devenais jamais adulte ?